Céline était un scandaleux antisémite mais Céline était un écrivain génial qui a marqué pour toujours la littérature française autant par son style singulier que par ses thèmes sombres et pessimistes. 

Céline est édité en collection Pléiade; il se trouve dans toutes les librairies et dans toutes les bibliothèques. Céline a été condamné, il a purgé sa peine. Aucun homme de lettre, aucun ami de la littérature ne trouve Céline indigne de la littérature même si aucun, espérons le, ne nourrit la moindre indulgence à l’égard de son racisme et de sa sympathie nazie de l’époque.

 

Que s'est-il passé à Strasbourg? Lors de la création d ela nouvelle médiathèque André Malraux, aux côtés des architectes Ibos-Vitard, l’artiste incontesté et reconnu dans le monde entier pour son art du graphisme, Rudie Baur, a choisi près d’un millier de citations d’écrivains pour illustrer le bâtiment . Son travail remarquable est salué par tous . 

Son objectif consistait à choisir une phrase d’écrivain pour en surligner un mot qui devait indiquer de manière pratique l’endroit où le visiteur se trouvait, constituer un signal, servir de signalétique en somme. Cette démarche consistait aussi à faire appel à la curiosité. Le procédé est intelligent et subtil, il participe à une éminente action de culture. 

L’une de ces phrases devait indiquer des WC  “messieurs” (sans commentaire)

Rudie Baur a choisi un extrait de Rigodon, livre posthume de Céline :”Je vous laisse un plan et mes comics...vite vite mes oignons que je vous retrouve par ici mesdames et messieurs...encore 2000 pages au moins, l'Achille qui me voudrait décédé “ (...) L. F. Destouches dit Céline.

Cette phrase a choqué un visiteur connu qui écrivit au maire de Strasbourg Roland Ries pour s’offusquer de voir écrit le nom de Céline dans la médiathèque. 

Roland Ries, après s’être réuni avec lui même, décida de faire détruire cette phrase. 

Puis, l’acte consommé, la mairie et le cabinet du maire ne réussirent pas à communiquer la phrase à la presse qui la demandait.

Aucun journaliste n’a obtenu le texte de cette phrase. Elle devait rester un mystère ou une énigme comme si sa révélation ou sa publication inquiétait.

 

Inaugurer et ouvrir au public une bibliothèque en éradiquant le nom d’un écrivain est une faute...une faute à l’égard des lettres et de la culture, une faute à l’encontre de l’artiste qui a conçu la mise en espace des textes et des graphismes. Son oeuvre forme un tout cohérent sur les murs extérieurs comme au long du superbe parcours intérieur. Une oeuvre doit être respectée, elle est d'ailleurs protégée. Or ni Rudie Baur, l’artiste concepteur du projet graphique, ni personne d’ailleurs, n’a été consulté, ni informé de la décision d'effacer.

 

Détruire un texte, le gommer pour des raisons idéologiques qualifie les auteurs d’un tel acte. Il s'agit là clairement d'une intrusion du “ politique” déalisation (et donc la dénaturation) d'une oeuvre.

 

En vingt années d’exercice de mes responsabilités culturelles tant à la région Alsace qu’à la ville de Strasbourg je n’ai jamais fait prévaloir mes goûts, mes choix personnels ni, à plus forte raison, mes options politiques face au choix que me proposaient des acteurs de la vie culturelle ni, naturellement, des artistes. Ma déontologie personnelle, m’interdisait de m’immiscer dans des choix artistiques. 

Je me souviens en revanche m’être opposé personnellement à la décision d’un directeur d’établissement culturel de censurer le texte d’un artiste, quoi qu’il m’en coûta à titre personnel. Le texte, choquant pour certains, fut donné à voir au public . Il n’y eut pas la moindre réaction de protestation et l’intégrité de l’oeuvre fut respectée.

J’ai défendu des expositions audacieuses au musée d’art moderne que me proposait le conservateur en chef alors qu’un certain establishment protestait vigoureusement.

 

Ai-je eu alors un comportement d’homme de gauche? Je sacrifie artificiellement à cette amalgame puisque la gauche, politiciens, et militants de différentes sphères influentes réunis, ont quasiment réussi à faire accroire que la générosité, la tolérance, l'intelligence elle même, et, naturellement, la culture étaient la propriété exclusive de la gauche et qu’il suffisait de se proclamer de gauche pour apparaître généreux, tolérant, intelligent, cultivé.

 

Eh bien que l’on sache que c’est un maire membre du PS, qui a exercé cette censure là indiquant aux Strasbourgeois qu’il y avait maintenant une police de la pensée et de la culture, une “bien pensance officielle” à laquelle il convenait de ne pas déroger sous peine d’être rayé, écarté, gommé.

Après l’exil des têtes d’alsaciennes, la suppression du spectacle culturel l’île aux lumières, cet acte iconoclaste ne permet plus de douter. C’est un pouvoir -gendarme de la pensée qui est installé à la tête de la ville.

 

J’affirme que je n’aurais pas touché à l’oeuvre de Rudie Baur et que j’aurais convaincu mon interlocuteur offusqué par le nom de Céline que l'anti sémitisme était banni à Strasbourg qui n'est pas une ville n’est anti sémite.

A titre personnel je condamne avec la plus grande vigueur l’antisémitisme et les sympathies nazie de Céline. Un petit livre dont je recommande la lecture : Céline en chemise brune de Kaminski m’en a définitivement convaincu. Mais j’ai été ébloui et interpellé par Voyage au bout de la nuit que j’ai lu dans la peu suspecte collection de la Pléiade..

J’aurais aussi convaincu mon interlocuteur des risques potentiels que pourrait provoquer une destruction d’oeuvre d’art et de retours de boomerangs.

Si l’on voulait assurer une publicité à Céline il n’y avait pas de meilleur moyen.

Objectif atteint avec pas mal de dégâts collatéraux!

 

Si la lutte contre l’antisémitisme devait emporter de manière globale les mêmes effets que ceux de la médiathèque Malraux il serait urgent de demander que le nom : Mitterrand soit éradiqué, enlevé de tous les panneaux officiels en débaptisant les rues qui portent le nom de celui qui a protégé Bousquet le bourreau de milliers de juifs. Mitterrand n’a jamais renié cette amitié scandaleuse. Et n'oublions pas non plus que c’est Mitterrand qui dénonça, le dernier jour de son mandat, le lobbie juif.

De quoi méditer...sur la gauche, la droite, la culture, le respect de l’oeuvre d’art.

Mais surtout sur la meilleure manière de lutter contre tous les racismes et l’antisémitisme