Marcel Weinum résistant, décapité à 18 ans, martyr de la barbarie nazie
Par Robert Grossmann le mercredi, 24 octobre 2007, 21:51 - archives-discours - Lien permanent
Cest pour moi un grand honneur de vous accueillir aujourdhui, à lHôtel de Ville de Strasbourg, afin de rendre hommage à la mémoire de Marcel Weinum.
Je voudrais exprimer toute ma gratitude à ses cinq compagnons de la Main Noire qui nous accorde aujourdhui limmense privilège dêtre parmi nous : je voudrais en mon nom et en celui de notre maire,
Certains dentre vous, Messieurs, habitez Strasbourg ou Brumath. Dautres nous viennent de plus loin, de Montpellier et de Nyons. Mais chacun dentre vous témoigne dune indéfectible fidélité à Strasbourg. Et notre ville aujourdhui tient à vous dire quelle place vous occupez dans son histoire comme dans son cur
Je voudrais également saluer
Mais lévénement qui nous rassemble ce soir est dune toute autre nature. En éditant ce livre consacré à Marcel Weinum et à la Main Noire, il vient combler une étonnante lacune dans lédition française qui ne connaissait jusqualors aucun ouvrage entièrement consacré à cet épisode si tragique de notre histoire.
Il nous permet également de nous retrouver tous ensemble aujourdhui, pour accomplir lun des plus beaux actes publics qui soient : faire mémoire dun homme, Marcel Weinum, dont le sacrifice a un sens éminent, puisquil nous permet de vivre libre dans une Europe en paix
Depuis avril 1942, son histoire et celle de la Main Noire ont subi les affronts du temps, celui qui efface le nom des hommes de la mémoire de ceux qui les suivent, et recouvre dun voile opaque les événements et les destins.
Et puisquil sagit de Marcel Weinum qui ne fut pas seulement un « résistant chrétien », mais qui est entré en résistance parce quil était chrétien, cest la phrase de saint Paul qui me vient à lesprit : « Malheur à moi si je ne rends pas témoignage. »
Cest bien notre rôle de rendre témoignage aujourdhui comme demain lorsque nous poserons une plaque devant le collège Saint Etienne, pour rappeler aux yeux du passant cette histoire-là.
Cest la tâche que nous nous assignons, de soustraire à linéluctable emprise de loubli celui que ses bourreaux ont assassiné.
Cest notre devoir, un devoir moral, un devoir tout simplement humain, de donner à nouveau la parole à celui quon a fait taire et découter, par-delà les années et la mort, ce quil voulait nous dire.
Ce que Marcel Weinum nous dit, le message quil nous adresse, nous est superbement transmis aujourdhui par ce livre qui lui est consacré. Ce sont des actions de sabotage, des enfants de chur prenant les armes, des croix de Lorraine dessinées furtivement sur les murs, des tracts éparpillés dans la rue et appelant les Alsaciens à se lever pour le combat de la liberté.
Lune des grandes figures de Port Royal, le grand Arnaud, écrivait : « Etre libre, cest être abandonné de Dieu. Aimer Dieu, cest aimer sa dépendance. » Chez Marcel Weinum, chez ceux de la Main Noire, une toute autre philosophie politique, une toute autre théologie prévalent : comme chez Péguy, lamour de la liberté et lamour de la France sont indissociablement liés à lamour divin.
Plusieurs fois, dans ses lettres, Marcel Weinum revient sur son action et sur sa foi : « Ce que jai fait, écrit-il, la été pour ma chère patrie, la France. » Il ajoute : « Cest pour la religion aussi que jai combattu. »
Ce que Marcel Weinum nous dit également et qui a pour nous beaucoup de sens, cest ce quil écrit dans les lettres quil adresse clandestinement à ses parents depuis sa prison.
Il a un courage, une foi, une espérance, qui non seulement forcent ladmiration mais sapprochent de ce que lEglise appelle la sainteté
Cet adolescent, que la guerre a déjà transformé en homme et qui attend, dans sa cellule, lheure de son exécution, a le regard tourné vers les autres, dans un élan spirituel qui nous bouleverse plus que tout
Et pourtant. Pourtant, peut-on avoir idée de ce que cela représente, mourir à dix-huit ans ? Peut-on avoir idée du courage et de la force quil faut pour savoir que la mort approche et quelle est inéluctable ?
Marcel Weinum ne se contente pas de nous appeler à combattre pour la liberté, à entretenir vaillante la flamme de
Voilà quici le destin de Marcel Weinum rejoint celui dun de ses contemporains strasbourgeois, Marc Bloch. Dans LEtrange défaite, un texte écrit aux heures les plus sombres de notre histoire, lhistorien-résistant écrit que la France a été trahie par ses clercs et ses élites. Cest ainsi que va lhistoire de France.
Mais il se trouve toujours, lorsque le pays est au bord du gouffre, lorsque tout indique quil va disparaître, des hommes du peuple qui se lèvent et continuent le combat.
Marcel Weinum et ceux de la Main Noire portent en eux cette histoire-là. Ils ne sont pas lélite éclairée du pays. Tous sont fils douvriers. Tous sont catholiques ou presque. Cest par leur volonté et par leur foi quils participent à ce miracle si souvent répété au cours de notre histoire nationale : sauver la France du déshonneur et du déclin. Quon lise les actes du procès de Jeanne dArc ou de Marcel Weinum, quelque chose dindéfinissable se poursuit, un élan spirituel, une simplicité, une foi en Dieu et en la France.
Marcel Weinum la payé de sa vie. Ceux de ses compagnons de la Main Noire qui ont survécu ont dû verser le plus insupportable des tributs : celui dêtre incorporé de force à larmée allemande et de devoir revêtir luniforme exécré, envoyé comme Jean-Jacques Bastian sur le front russe.
Je voudrais aujourdhui formuler le vu que ce livre permette à beaucoup de nos concitoyens de mieux comprendre lhistoire de lAlsace et tout particulièrement la tragédie qua été lincorporation de force.
Souvent, nous avons le sentiment que la France, celle de lIntérieur, ne parvient pas à comprendre lAlsace et ses drames. Beaucoup de temps sest écoulé depuis le procès de Bordeaux, mais toujours subsiste dans certains esprits lincompréhension.
Et pourtant, le destin singulier de Marcel Weinum et de la Main Noire nous apprend combien ici, en Alsace, nous aimons la France au point de passer outre tous nos désappointements et nos déceptions pour la rêver avec le général de Gaulle « telle la princesse des contes ou la madone aux fresques des murs, comme vouée à une destinée éminente et exceptionnelle ».
Le destin de Marcel Weinum nous apprend aussi le prix de la paix et de la liberté en Europe
Aujourdhui, en mon nom et en celui de notre maire Fabienne Keller, cest Strasbourg toute entière qui sincline devant la mémoire de Marcel Weinum.
Texte de la plaque qui sera apposée au collège Saint Etienne:
En septembre 1940
à linitiative délèves de la maîtrise de la Cathédrale
25 garçons de 14 à 16 ans
ont créé ici lun des premiers réseaux de résistance en Alsace
Arrêté par
leur chef, Marcel Weinum, a été condamné à mort
et décapité le 14 avril 1942. Il avait 18 ans.
« Si je dois mourir, je meurs avec un cur pur. »
M.W.
Commentaires
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Je viens de finir le livre des excellentes éditions Arfuyen sur la Main Noire et son épopée. On peut parler d'une épopée, car celle-ci mène de jeunes alsaciens des portes de leur collège au panthéon des combattants. Là, un respect s'impose sur une jeunesse passée au coeur de l'Histoire du XXème siècle ou d'un totalitarisme à l'autre, l'Europe se détruit elle-même.
La question de l'engagement de l'époque et de notre regard d'aujourd'hui est aussi "poseuse de question". Pouvons nous juger et que feraient aujourd'hui les jeunes face aux défi de l'Histoire.
On peut avoir confiance car chaque période de crise provoque sursauts et réactions, mais envers ces dernières témoins, envers celles et ceux qui nous avons dans nos familles, il faut bien dire que le respect s'impose.
En écoutant l'autre jour les discours mais aussi les lectures des lettres de Marcel Weinum, en songeant aux discussions avec des membres de la Main Noire ou d'autres résistances, on est aussi étonné de la foi motrice qui fut la leur. Une foi chevillée au corps, au coeur. Richesse de l'être qui étonne aujourd'hui notre époque, autel confortable de l'avoir !
Merci pour votre article. Je suis de la famille d'un de ces jeunes hommes qui ont lutté contre l'occupant nazi. Avec mon mari nous aurions voulu être présent à cette cérémonie, mais nos obligations professionneles nous ont retenues loin de Strasbourg. Je voudrais savoir s'il y a eu un enregistrement vidéo de cette cérémonie. Encore merci pour votre témoignage.
Merci pour ce beau discours et merci surtout d'évoquer la mémoire de ces destins si vite oubliés par une mémoire collective à la fois défaillante et sélective. Votre geste est important. Au-delà du devoir de mémoire, se pose le devoir d'être à la hauteur de ce que nous prétendons être : des Hommes ! L'Humanité n'est pas un vain mot sans substance. Notre raison d'être est en notre propre essence. Tâchons d'en prendre conscience, tâchons de ne pas l'oublier, tâchons de devenir ce que nous sommes...
Très beau discours, c'est aussi bien que du Gallo.
STB, rejoignez l'ump et l'ups
Très beau discours, on dirait du Grossmann !
Est-ce que cela ne serait pas envisageable de lire les lettres de Marcel Weinum dans les écoles ? Ma proposition est bien entendu polémique, vu ce qu'a déclenché l'idée de M. Sarkozy avec la lettre de Guy Moquet.
Paul Emik, comme vous avez raison ! Il faut déjà lire le livre.
Asti : Merci de votre sollicitude. Je prends vos conseils. Si vous y avez vos entrées, contactez moi.
Alphonse ADAM et Robert KIEFFER, anciens élèves du Collège épiscopal Saint-Etienne, ont fondé, pour résister à l'occupant nazi, le Front de la jeunesse alsacienne, dont beaucoup de militants étaient issus de la jeunesse catholique d'Alsace. Fusillés le 15 juillet 1943, ils n'ont pas même eu "droit" à une tombe puisqu'ils ont été aussitôt incinérés au cimetière Nord de la Robertsau et leurs cendres dispersées dans le canal voisin. Leurs noms figurent évidemment sur la stèle commémorative du Square des Fusillés, près du Pont de l'Europe. Une plaque commémorative dédiée à ces deux Anciens morts très jeunes pourrait trouver sa place sur un mur du Collège épiscopal Saint-Etienne de Strasbourg.
Alphonse ADAM et Robert KIEFFER, anciens élèves du Collège épiscopal Saint-Etienne, ont fondé, pour résister à l'occupant nazi, le Front de la jeunesse alsacienne, dont beaucoup de militants étaient issus de la jeunesse catholique d'Alsace. Fusillés le 15 juillet 1943, ils n'ont pas même eu "droit" à une tombe puisqu'ils ont été aussitôt incinérés au cimetière Nord de la Robertsau et leurs cendres dispersées dans le canal voisin. Leurs noms figurent évidemment sur la stèle commémorative du Square des Fusillés, près du Pont de l'Europe. Une plaque commémorative dédiée à ces deux Anciens morts très jeunes pourrait trouver sa place sur un mur du Collège épiscopal Saint-Etienne de Strasbourg.
Alphonse ADAM et Robert KIEFFER, anciens élèves du Collège épiscopal Saint-Etienne, ont fondé, pour résister à l'occupant nazi, le Front de la jeunesse alsacienne, dont beaucoup de militants étaient issus de la jeunesse catholique d'Alsace. Fusillés le 15 juillet 1943, ils n'ont pas même eu "droit" à une tombe puisqu'ils ont été aussitôt incinérés au cimetière Nord de la Robertsau et leurs cendres dispersées dans le canal voisin. Leurs noms figurent évidemment sur la stèle commémorative du Square des Fusillés, près du Pont de l'Europe. Une plaque commémorative dédiée à ces deux Anciens pourrait trouver sa place sur un mur du Collège épiscopal Saint-Etienne de Strasbourg.
Tract original du groupe de Marcel Weinum : "Wir wollen nicht die eigenen Toten gräber der elsässischen Freiheit sein ; denn : Das Elsass muss leben und wird leben !"
Tract traduit en français depuis : "Nous ne voulons pas qu'on fasse de nous des fossoyeurs de la Liberté, parce que l'Alsace doit vivre et vivra !"
(textes complets disponibles sous : yclady.free.fr/resistance... )
Cherchez l'erreur... Oui, il avait foi en Dieu (ce qui me semble bien préférable à la haine idéologique dans laquelle un Guy Môquet, par exemple, avait été élevé - au point que ce dernier me semble être presque autant une victime du communisme qu'une victime du nazisme). Mais pour ce qui est de sa passion patriotique, la conclusion de son tract, l'unique mention - purement technique - des autorités françaises, et le fait que le tract n'ait été rédigé qu'en allemand... tout cela laisse penser à l'observateur dépassionné, que cette passion allait au moins autant à l'Alsace qu'à la France. Ce qui serait d'ailleurs cohérent avec son engagement catholique. Les catholiques militants, comme d'ailleurs les communistes mais pour de toutes autres (et infiniment plus respectables) raisons, étaient souvent autonomistes dans l'immédiat avant-guerre.
Je me réjouirais sans restriction de tout hommage accru rendu à la mémoire de Marcel Weinum, si aucun aspect de son engagement n'était laissé dans l'ombre pour cause de conformisme jacobin.