Vie et destin de Vassili Grossman
Par Robert Grossmann le mardi, 7 août 2007, 16:04 - lire...littérature - Lien permanent
Non, je ne parlerai du livre de ma vie !
Cela mobligerait à en éliminer tant dautres qui mont forgé, qui ont déclenché en moi ce trouble bouleversant, qui ont étreint mon cur.
En fermant la dernière page du « Lys dans la vallée » je nétais plus tout à fait le même, propulsé par la magie de Balzac je songeais sans cesse à Philippe de Vandenesse.
Comment écarterais-je Rabelais, son verbe fondateur, sa truculence et son « fais ce voudras ».
Ne pas parler ici du Misanthrope ? Eliminer « Ainsi parlait Zarathoustra » ? Vous ny pensez pas !
Ce nest pas un seul livre qui a brûlé mon âme. Ce sont tant de textes qui font que, dans ma vie, la littérature est irremplaçable et que vivre sans livre mest impossible. Lire est bien ce suprême luxe que nous décrit Jean-Paul Kauffmann du fond de sa geôle dans « la maison du retour». Surprendrai-je en évoquant « Limitation de Jésus » cet incroyable classique mille fois réédité et si méconnu de la foule des lecteurs. Et Malraux, vous me demanderiez de ne pas le citer, ni les Mémoires du Général de Gaulle ?
Votre exercice est cruel et injuste, je transgresse !
Mais pour ne pas être lexception de votre revue jévoquerais ici Vassili Grossman non pas parce que je vois une flatteuse homonymie dans cette rencontre mais parce que « Vie et destin » est bien le grand livre du XXième siècle et que la tragédie humaine qui sy déroule à chaque page ne cesse dêtre dune permanente actualité.
Ce nest pas la description de la bataille de Stalingrad, ni lévocation pénétrante des fascismes nazi et stalinien qui seuls comptent dans Vie et destin, cest la pauvre condition de lhomme face à lui même et face au temps.
Cest le temps qui est au cur de cette uvre intemporelle.
Krymov lun des personnages du roman, nous fait part de sa méditation tragique : « Rien nest plus dur que dêtre orphelin du temps. »
Avec « Vie et Destin », Vassili Grossman nous a légué le nouveau « Guerre et paix » où tout se retrouve et se mêle, la grandeur de lhomme, « ses misérables tas de petits secrets » lamour, la guerre, la vie, la mort
Commentaires
Pourquoi tant de n, serait-on, du coup, tenté de vous demander ! Pour votre collègue Roland Ries, c'est plutôt une histoire d'o. Son auteur favori, Thomas More, est malencontreusement devenu Thomas ("Tom") Moore dans le petit paragraphe introductif rédigé par les responsables de la librairie Kléber (mais la première fôte, selon eux, procèdde de RR). "Que d'o, que d'o !", aurait dit quelqu'un. Faut-il y voir un message subliminal ? Après moi, le déluge ...
hermann hesse : Narcisse und Goldmund
C'est certain que la passion de Roland Ries pour l'Utopia de Thomas More m'a fait bien rigoler.
Le livret proposé par la librairie Kléber était une excellente idée, mais j'imagine qu'il y a eu une forme de censure, d'autant que seuls des Strasbourgeois de la classe supérieure ont pu s'exprimer. Ce guide ressemblait un peu au Who's Who.
Ce qui est exaspérant dans deux des commentaires ci-dessous "bien informés" comme toujours, c'est leur propension à s'attacher à un micro-détail. Concernant la faute de frappe de Roland Ries sur Thomas More, cela arrive, même dans les meilleures échoppes. Vous devriez allez voir un des blogs rattachés au Monde et qui s'appelle "langue sauce piquante", tenu par des correcteus du journal (correcteurs.blog.lemonde.... cela vous occupera les neurones. Et vous n'avez pas relevé la faute de frappe sur le nom de Robert Hermann en plus, oula la !
Pour répondre à Dom, je ne vois pas où il y a une classe si supérieure dans le choix ; il y a des étudiants, des gens de beaucoup d'horizons. C'est vrai que les professions "intellectuelles" sont surreprésentées mais ce catalogue n'a pas vocation à faire de la mixité sociale. Vous savez quoi ? La culture est inégalitaire, vous allez être choqué en lisant cela. Il y a mêmes des politiques et des gens gravitant dans ce milieu, c'est dire !
Il parle de littérature et de passion pour les livres, c'est déjà beaucoup. Revenons ainsi au principal sujet et pas aux polémiques faiblardes...Il serait plus utile de débattre sur les choix de certains ; untel a choisi un pavé indigeste, l'autre un livre léger, celui là un classique absolu comme pour s'acheter une conduite ou tel autre semble sincère dans son choix. Qui a choisi un livre pour "paraître" et qui a choisi son livre "avec le coeur" ? Voilà qui mérite réflexion...
A Laurent Husser,
Pourquoi tant d'agressivité ? Je lis souvent les commentaires que vous envoyez et il me semble que vous êtes amer et un peu déçu. Je suis parisien donc rien eloigné de la politique strasbourgeoise. Je vous conseille après avoir lu des écrits qui vous déplaisent de prendre une profonde inspiration, une tisane et d'écrire après votre digestion.
Beau double contresens commis par LH, Dom et AW :
1) Ce n'est (évidemment !) pas le "o" de trop à More qui a fait sourire, mais la notice introductive présentant un auteur qui n'est pas celui évoqué par RR. Au demeurant, ceux qui l'ont relevé n'y ont attaché qu'une signification marginale, s'amusant simplement de découvrir un sens inattendu à l'adjectif "déraisonné" utilisé en couverture.
2) Le titre provocateur "Utopie" fut volontairement et consciemment choisi par More pour signifier que, de son propre aveu, les principes constitutionnels qu'il défendait ne pouvaient être mis en oeuvre dans les Etats de son temps : monarchies, principautés seigneuriales ou ecclésiastiques, villes républiques, etc.
L'attention extrême qu'il porte à la question de l'éducation (thème ô combien moderne, cher à Fabienne Keller et à Adrien Zeller), notamment celle des dirigeants de son "Utopie", prouve, si besoin est, que More n'est pas le doux rêveur que l'on croit souvent. Son ouvrage est d'abord un coup de gueule, en réaction contre l'anarchie et l'injustice qui caractérisent la société européenne du début du 16ème.
Son opposition à Henry VIII et sa mort sur l'échafaud montrent qu'il n'est pas un intellectuel pur, plus ou moins déconnecté de la cité, à l'instar d'un J. Pic de la Mirandole. De même, si N. Machiavel, dans son "Prince" (contemporain du livre de Th. More), semble faire l'éloge de la Realpolitik et des méthodes brutales d'un César Borgia, c'est d'abord parce qu'il en espère la libération de l'Italie.
Faute d'avoir vraiment lu jusqu'au bout ou sans oeillères les ouvrages dont ils parlent, nombre de spécialistes auto-proclamés de la chose publique ou de la sphère littéraire se plantent régulièrement !
J'ai lu avec intérêt "Vie et Destin" mais j'avoue un faible concernant les carnets de guerre de cet auteur !
Travaillant pour le journal de l'Armée rouge,«Krasnaïa Zvezda», de juin 1941 à 1945, il est de tous les "endroits" où se fait l'histoire. Là, une plume "officieuse" officie et il note des impressions fortes loin de la vérité officielle. La «Grande Guerre patriotique», face à l'allié d'hier, il la vit !
La liberté de ton des carnets tombés dans l'oubli aurait pu provoquer un aller simple vers l'archipel du Goulag à leur auteur. Hasard, c'est justement un autre "exilé" Sakharov qui permettra à des brouillons de "Vie et Destin" d'atteindre l'Occident en microfilms.
Celui qui sera donc Heros soviétique en raison de sa plume laisse dans ses carnets planer l'ombre de l'homme critique envers un régime. Dès ses récits de guerre, il sait que la vie est en quelque sorte nietzchéenne, qu'il faut chercher au-delà des héros et des traîtres, des amis et ennemis. Bref que l'homme est humain jusque dans ses pires travers.
J'ai par contre adoré relire Ernst Junger conseillé par un autre "élu" de ce beau catalogue estival.