Pierre Pflimlin, l'année du centenaire.
Par Robert Grossmann le mardi, 30 janvier 2007, 21:29 - Strasbourg - Lien permanent
Pierre Pflimlin nest plus.
LEurope est en deuil et Strasbourg est à son chagrin.
LAlsace, dorénavant, est privée de sa voix la plus prestigieuse.
Pierre Pflimlin nest plus et il me revient dévoquer sa mémoire au nom des élus de lUDF et du RPR de Strasbourg, car lUDF était sa famille politique. Celle dont il était, de loin, la plus illustre figure en même temps que la grande référence, nationale et internationale.
Il me revient dévoquer la mémoire de ce grand maire car jai eu le privilège dêtre son plus jeune vice président à la Communauté Urbaine; son plus jeune adjoint à la ville.
Trente trois ans me séparaient de Pierre Pflimlin, cest dire que mes relations politiques étaient avant tout marquées par une sorte de vénération quasi filiale.
Comment, avec les simples mots, comment évoquer la haute stature de Pierre Pflimlin ?
La tâche me semble hors de portée.
Je vais donc tenter de le faire en évoquant quelques images sculptées dans ma mémoire sans prétendre tracer un portrait, sans aller vers les haut faits qui caractérisent sa carrière internationale, et conscient que je natteindrais daucune manière la qualité de lhommage qui lui est dû.
Quelques images qui viennent compléter ce que, tous, nous savons de sa renommée.
Dans les salons de lHôtel de ville Pierre Pflimlin reçoit une foule de visiteurs de marque. Il parle de sa ville en brossant une fresque historique étonnante qui sétend des origines romaines dArgentoratum à la seconde guerre mondiale et conclut par la signature du traité européen à lendroit même où il sexprime.
Son verbe nous fait voir soudain de Gasperi, Adenauer, Churchill, Robert Schumann dans ces mêmes salons, paraphant le parchemin pour faire avancer lEurope, ici, à Strasbourg
Au passage une pointe de nostalgie pour les temps où Strasbourg, ville libre, battait monnaie et ceux où, la bas, de lautre coté de la place Broglie, dans la maison disparue du maire de Dietrich, Rouget de lIll chanta pour la première fois la Marseillaise.
Cest prodigieux déloquence.
Les applaudissements ne sont ni de pure forme, ni de courtoisie. Ils viennent ponctuer un exploit oratoire qui a subjugué tout lauditoire.
Cétait une sorte dinstant de magie. Strasbourg en était au cur.
Chaque fois quil prenait la parole quelque chose se mettait à vibrer entre lauditoire et lui. Moment privilégié, visité par la grâce de lintelligence et du cur.
En réalité Pierre Pflimlin était un esthète de la parole, un esthète tout court, cétait un artiste aussi.
Combien de fois avons nous ainsi pu admirer à luvre sa vaste culture, létonnante mémoire de toutes ses lectures, son goût pour lhistoire, sa passion pour lart, sa détermination en faveur de lavenir de Strasbourg. Lamour pour sa ville perçait sous les discours de Pierre Pflimlin et réussissait à transfigurer ses auditoires.
Pour lui Strasbourg était un destin.
Pierre Pflimlin sétait inscrit tout naturellement dans la tradition des grands maires humanistes dEurope, dans la tradition du Strasbourgeois Jacques Sturm.
Cest sous cet illustre maire que jai appris la vie municipale.
Strasbourg était un tout pour Pierre Pflimlin. Il aimait sa ville, toute sa ville et pas seulement son centre, sa place de l'université, son orangerie.
Récemment des musiciens manouches me racontaient quil arrivait à Pierre Pflimlin de se rendre tout seul, pour ainsi dire incognito, au polygone pour rencontrer les responsables ou les acteurs de lAPONA et passer un moment avec eux.
Ils ne lont jamais oublié, les gens du voyage ce maire qui aimait aussi sa ville en ses marges.
Son cur sétait attaché au Neuhof, à Hautepierre, à la , la Cité de lIll, aux autres quartiers sociaux de Strasbourg. Personne ne peut oublier quau moment où il a pris en main les destinées de cette ville le problème du logement était dune extrême acuité et que ce quil importait de faire cétait en toute priorité de loger ceux qui navaient aucun logement.
Il y a réussi tous ses quartiers avec leurs difficultés croissantes ne cessaient de bénéficier de son extrême sollicitude.
Je me souviens de la manière avec laquelle il nous rappelait souvent avec une vigoureuse passion que nous navions pas à évoquer un quartier de Strasbourg par opposition à un autre et que nous étions chacun les élus de toute la ville.
Le destin de toute la ville devait donc concerner chacun.
Au moment de mettre en place la Communauté urbaine il déployait une attention vigilante et courtoise envers tous les maires et délégués des 26 autres communes afin que chacun puisse se sentir Strasbourgeois autant que lui le Strasbourgeois se sentait citoyen des autres communes.
La leçon municipale de Pierre Pflimlin cétait la grandeur dans les actions humbles de la gestion du quotidien. Je crois pouvoir dire que Pierre Pflimlin avait initié et incarné un authentique humanisme municipal.
Une autre image tout a fait insolite se situe devant le ring de boxe de la salle dentraînement de la Kibitzenau
Jétais ladjoint de Pierre Pflimlin chargé des sports.
Je pense que lhommage qui lui est dû naura que plus de force si, à coté des traits lumineux de sa personnalité, on sattache aussi à ne pas dissimuler les traits plus contrastés, plus ombrés qui soulignent dautant mieux les lignes remarquables.
Eh bien, puis-je le dire ?- je ne suis pas sûr que le sport ait été sa tasse de thé.
*Même sil était un fidèle supporter du Racing Club de Strasbourg,
*même sil a créé loffice des sports,
*même sil a équipé en salles et en terrain cette ville du nord au sud et dest en ouest, cet intellectuel navait pas dinclinaison naturelle vers les disciplines physiques.
De par mes fonctions jai alors tenté de le convaincre daller mieux à la rencontre du sport et un soir il a accepté de maccompagner. Nous sommes allé tous les deux de terrain en terrain, de salle en salle, voir les sportifs à lentraînement dans leffort ingrat et difficile, loin des sunlights. Après les footballeurs, les handballeurs, les athlètes, nous sommes allé voir les boxeurs du Cercle pugilistique de Strasbourg, et, arrivé près du ring, voici que ces dizaines de gosses des quartiers sud, - black, blanc, beur, comme on dirait aujourdhui -, lui ont réservé une ovation de près de dix minutes. Jai vu Pierre Pflimlin saisi démotion et sans doute sest-il passé quelque chose ce soir là. Je nirai pas jusquà dire que les subventions en faveur du sport furent plus fluides mais ce soir là il y eut comme une métamorphose.
Je vois limage de Strasbourg la culturelle et je me souviens de la volonté de Pierre Pflimlin de faire de notre ville, la ville la plus culturelle de France.
Avec Germain Muller à ses cotés ce fut la création de lOpéra du Rhin, le développement de lOrchestre Philharmonique, les ballets du Rhin, le Maillon. Je garde en mémoire la manière dont il écouta André Pomarat qui le convainquit de développer une action du théâtre en faveur des jeunes et il décida de créer le Théâtre jeune public qui fut alors une réalisation unique et exemplaire. Strasbourg la lui doit tout comme Strasbourg lui doit Musica.
Puis je lavouer aussi ? Je ne sais plus très bien si le conseil municipal ne fut pas un peu bousculé lorsquil décida de projeter la ville dans la modernité en acquérant la remarquable sculpture de Henry Moore. Il me semble bien que si lon avait voté Pierre Pflimlin aurait été mis en minorité et il ny aurait jamais eu de Moore à Strasbourg. Il avait simplement précédé un peu la démocratie culturelle en permettant à tous de se familiariser avec ce qui est aujourdhui une uvre complètement classique. Sans sa détermination la voie de lart contemporain naurait pas été ouverte.
Cest sous Pierre Pflimlin que notre ville entama son véritable rayonnement culturel.
Homme de culture !
Jai été frappé comme vous toutes et tous de constater que, dès quil eut quitté ses fonctions, Pierre Pflimlin fut omni présent sur le front de la culture. Chaque soir ou presque il se transformait en spectateur éclairé du TNS, du Maillon, de lOrchestre Philharmonique, des petits théâtres de poche aussi.
A combien de vernissage dart plastique ne lai je vu sintéresser avec passion à la création et à ses évolutions.
Jai eu le bonheur de le voir souvent au Centre Européen dActions Artistiques Contemporaines, lors des premières de nos expositions et cet homme, à lâge avancé qui était le sien, donnait lexemple de la jeunesse culturelle et je noublierai jamais la réflexion quil me fit un jour avec une fausse sévérité « Je ne vous ai pas beaucoup vu à Musica cette saison ! » le reproche était amusé mais mordant.
La culture-jeune comme disent certains aujourdhui, Pierre Pflimlin la vivait instinctivement.
Il avait un humour instinctif, il aimait rire, il aimait lesprit et ses mots. Il aimait sexprimer en alsacien
Ma dernière image sera une image intime. Cest celle dune très belle balance romaine. Elle est chez moi, en bonne place, précieusement, jallais dire, pieusement conservée.
Cest le cadeau quil me fit lors dune occasion marquante dans mon existence.
Elle est pour moi un symbole fort auquel je médite souvent. Quoi de plus précieux en tant de circonstances que de peser ses mots.
Quoi de plus difficile que de soupeser et de départager les passions, les sentiments, les alternatives puis de trancher.
Pierre Pflimlin était un homme déquilibre et de juste milieu.
Là aussi se situait sa famille politique, celle à laquelle le liait une indéfectible et combative fidél05/07/00ité.
Mes chers collègues, jai la mémoire douloureuse et Strasbourg a le cur en berne.
A vous, sa famille, à vous ses amis, à vous qui avez travaillé avec lui, à vous qui lavez aimé, je présente au nom de tous ceux que jai lhonneur de représenter ici, mes plus vives condoléances et mes respectueuses pensées.
Commentaires
Une question me taraude en lisant votre blog et celui de JC Meyer que je croisais hier devant la Synagogue.
Que fit Pflimlin pendant la guerre. Il travailla brièvement au secrétariat général de la jeunesse, à Vichy, en 1941, puis fut nommé juge d'instruction à Thonon-les-Bains (de 1941 à 1944), et substitut du procureur de la république à Metz (en 1944)
Un parcours proche de beaucoup de hauts fonctionnaires de l'époque.
J'apprends qu'il est titulaire de la Croix du Combattant 39.45, quand a-t-il combattu, qu'a-t-il combattu ?
J'aimerais en savoir plus, quelle bio lire ?
Ne pensez vous pas que Pflimlin a planté la ville de Strasbourg dans son élan européen lorsqu'il a démissionné de manière tapageuse du gouvernement de de Gaulle. S'il était resté minsitre Strasbourg aurait surement obtenu plus, à l'époque. Mais nous parlons de choses qui ont quarente ans d'ancienneté.
Pflimlin, homme politique alsacien, un peu plus intelligent que la moyenne dans le sérail politicien (ce qui n'est pas bien difficile) et qui devient lo'objet, à l'occasion de son anniversaire - cent ans- d'enjeux politiciens indignes. Bayrou a-t-il réellement travaillé à son cabinet ou s'est-il contenté "d'y être". Que ferait Pflimlin aujourd'hui? Qui peut le dire et qui d'ailleurs s'y intéresse vraiment? Aurait-il refusé de participer à une grand parti centre droit français ou aurait-il privilégié la réduction bien française des centristes à un petit parti servant les intérets de son chef. N'aurait-il pas tenté de faire comme les allemands qu'il aimait tant, une CDU française?
Je souris, cher Cagliostro, car moi je sais !!!
Allez, je vous mets sur une piste... Il n'était pas comme François Mitterrand et Pierre Delanoe, proches des Volontaires Nationaux, mais creusez un peu...
ALSATOR cherche, il ne doit pas être le seul. Mais bon, il y a des périodes troubles où les intellectuels s'engagent ( dis je sans vouloir rouvrir un vieux débat ici).
Pflimlin aurait été lecteur de Maurras. Faut-il voir dans la défense du régionalisme alsacien de Pflimlin un echo au régionalisme ligure de Maurras ou tout simplement voir dans cette lecture le fait d'un intellectuel alsacien ?
J'avoue que les "trous" dans les bio, font toujours bizarre et je souris quand, sur d'autres sujets que j'évoque sur mon blog, d'autres assument clairement un passé qui ne dérange pas la droite (strasbourg-compagnie.haut...
A Strasbourg aussi, donc ????
Oh Strassburg dü wonderschoen Stadt.... avec la Rothüs/maison rouge,Hohstein/hautepierre....so schoen......
Bonjour, je cherche des infos sur la sculpture d'henry moore placée devant le PMC. Quel est son titre par exemple ? "1/3" est ce qui noté à la base de la sculpture ; j'ai cru comprendre que l'artiste signait ses oeuvres de cette façon. Merci
1 SUR 3, cela veut dire qu'elle a été fondue à 3 exemplaires !