Passée son enfance qu'il n'aime pas, Maurice, nous conduit vers cette si tragique période de l'histoire de l'Europe, la montée du nazisme qui caractérise aussi le comportement des gouvernants français de l'époque.

Les portraits sont saisissants, les analyses brillantes et le style souvent grandiose.

Bon! on sait que Maurice a une très grande et très belle opinion de lui même, il lui arrive de la rappeler souvent. Le plus dérangeant c'est que cela semble toujours justifié. Oui, il est incroyablement brillant et d'une immense culture. Sa mémoire constitue un vrai défi à la "norme"!

Il évoque Aristide Briand, portrait intemporel, p.183 : « contesté, attaqué, honni à tout propos, et pourtant irremplaçable, même pour ses pires adversaires, revenu de toutes choses, il continuait à faire au cœur des hommes une confiance dont les calomnies qui l’abreuvaient chaque jour auraient dû depuis longtemps le détourner. »

P.229 « De quelle paille était faite l’âme de nos gouvernants en cette fin de IIIe République ? »

Question permanente non ?

Puis vint Munich septembre 1938, p.268 : « Il eut fallu que la France, elle aussi, eut à sa tête un homme d’Etat. Mais qu’avait-elle ? Son président du conseil était Edouard Daladier, un politicien radical socialiste, terme qui, défiant la sémantique, désignait un centre gauche qui était la pépinière du compromis »…… « Ah, ils avaient bonne mine, devant les uniformes et l’arrogance d’Hitler et de Mussolini, nos deux champions de la liberté, l’Anglais avec son parapluie et le Français avec son chapeau mou »

Savoureux, si ce n’était tragique !

Il y a de superbes portraits littéraires et les pages consacrées à Jef, Joseph Kessel sont exceptionnelles d’émotion et de réalisme : « On le disait magnifique, il était plus encore magnifiant ».

Surgissent ensuite Saint Exupéry, Mermoz, Max Jacob insolite, et tant d’autres figures de la littérature. Maurice n’aime pas du tout le surréalisme et voue une détestation à André Breton qualifié « d’agent de la stérilisation de la poésie française »

André Beucler, pourquoi l’a-t-on oublié, « tenait joaillerie du verbe »

Mais Maurice Druon sait aussi manier l’autodérision. Il cite Mme de Brissac parlant de lui :  « Il est insupportable. Il semble tout savoir, et coupe la parole à Gallimard »

On n’ose plus appeler le service militaire par son nom, il est devenu service national : « Couardise de l’âme, qui manifeste, par le langage, l’état d’affaiblissement d’un peuple. « La décadence commence, a écrit Montherlant, quand on n’ose plus appeler la bêtise par son nom » il en est de même avec la lâcheté »

Une dernière citation, mais il y en aurait tant à extraire de ces Mémoires dont j’attends avec impatience un tome second :

« Il arrive aux hommes ce qui leur ressemble »…Fatalité ? Banalité ?

Grand écrivain en tous les cas que l’auteur des Grandes Familles et des Rois maudits, tirés à 23 millions de volumes !