Je viens de terminer la lecture des Mémoires de Maurice Druon, roboratif!
Par Robert Grossmann le lundi, 24 juillet 2006, 14:21 - lire...littérature - Lien permanent
Passée son enfance qu'il n'aime pas, Maurice, nous conduit vers cette si tragique période de l'histoire de l'Europe, la montée du nazisme qui caractérise aussi le comportement des gouvernants français de l'époque.
Les portraits sont saisissants, les analyses brillantes et le style souvent grandiose.
Bon! on sait que Maurice a une très grande et très belle opinion de lui même, il lui arrive de la rappeler souvent. Le plus dérangeant c'est que cela semble toujours justifié. Oui, il est incroyablement brillant et d'une immense culture. Sa mémoire constitue un vrai défi à la "norme"!
Il évoque Aristide Briand, portrait intemporel, p.183 : « contesté, attaqué, honni à tout propos, et pourtant irremplaçable, même pour ses pires adversaires, revenu de toutes choses, il continuait à faire au cur des hommes une confiance dont les calomnies qui labreuvaient chaque jour auraient dû depuis longtemps le détourner. »
P.229 « De quelle paille était faite lâme de nos gouvernants en cette fin de IIIe République ? »
Question permanente non ?
Puis vint Munich septembre 1938, p.268 : « Il eut fallu que la France, elle aussi, eut à sa tête un homme dEtat. Mais quavait-elle ? Son président du conseil était Edouard Daladier, un politicien radical socialiste, terme qui, défiant la sémantique, désignait un centre gauche qui était la pépinière du compromis » « Ah, ils avaient bonne mine, devant les uniformes et larrogance dHitler et de Mussolini, nos deux champions de la liberté, lAnglais avec son parapluie et le Français avec son chapeau mou »
Savoureux, si ce nétait tragique !
Il y a de superbes portraits littéraires et les pages consacrées à Jef, Joseph Kessel sont exceptionnelles démotion et de réalisme : « On le disait magnifique, il était plus encore magnifiant ».
Surgissent ensuite Saint Exupéry, Mermoz, Max Jacob insolite, et tant dautres figures de la littérature. Maurice naime pas du tout le surréalisme et voue une détestation à André Breton qualifié « dagent de la stérilisation de la poésie française »
André Beucler,
pourquoi la-t-on oublié, « tenait joaillerie du verbe »Mais Maurice Druon sait aussi manier lautodérision. Il cite Mme de Brissac parlant de lui : « Il est insupportable. Il semble tout savoir, et coupe la parole à Gallimard »
On nose plus appeler le service militaire par son nom, il est devenu service national : « Couardise de lâme, qui manifeste, par le langage, létat daffaiblissement dun peuple. « La décadence commence, a écrit Montherlant, quand on nose plus appeler la bêtise par son nom » il en est de même avec la lâcheté »
Une dernière citation, mais il y en aurait tant à extraire de ces Mémoires dont jattends avec impatience un tome second :
« Il arrive aux hommes ce qui leur ressemble »
Fatalité ? Banalité ?Grand écrivain en tous les cas que lauteur des Grandes Familles et des Rois maudits, tirés à 23 millions de volumes !
Commentaires
Votre texte me convainc de lire ce livre. Mais je suis étonné du peu de réactions. Les français n'auraient-ils plus le gout de la lecture, de la bonne littérature, je veux dire? Ou alors est-ce sur ce blog qu'il y aurait un déficit de lecteurs?
Très bonne critique, Robert. Druon, y compris par sa "suffisance" est un personnage fascinant...Même pour pour qui sourit souvent de ses idées.Et son livre est effectivement un roman historique remarquable. Les regards d'un autre temps restent indispensables à nos yeux du présent. On ne conduiut bien qu'en sachant utiliser son rétroviseur. Merci à toi pour cette note.