Je roule, retour vers Strasbourg, et de la radio de ma voiture Villepin parle sur Europe 1. Il martèle, sans pitié pour les mots qu’il frappe avec vigueur. Il cogne sur les accents toniques et même ceux qui ne le sont pas. C’est de la mitraille. Je ressens une pénible impression de violence. Aucun répit, le débit est d’un emportement permanent. Le ton, pour moi, s'impose au détriment du sens, qui s'évanouit dans mon esprit. Elkabach fait quelques tentatives pour qualifier poliment ce qui tourmente mes oreilles « quelle conviction ! quelle passion, monsieur le premier ministre! » Pour moi cette passion là se situait à l’extrême frontière du cri permanent.

Je n’écoute malheureusement plus et je réfléchis sur fond de phonèmes agressifs.

A quel Villepin avons nous à faire ? A celui qui, depuis qu’il est à Matignon, serre les mains de tous les passants qu’il croise, secrétaires, manœuvres, PDG, tout venant ? A celui qui depuis quelques mois ne cesse de sourire type première de couv de Marie Claire ? A celui qui noue si bien son cache nez, pardon, son foulard cachemire à la manière gravure de mode ? A celui qui montrait son torse et sa crinière sortir de bain ? A un Villepin secret qui serait un authentique et doux poète sensible et généreux mais qui aurait livré subtilement ce jardin secret à la France entière, à grands coup de parutions littéraires ? A celui qui avec un cynisme sans équivalent a conduit Chirac à dissoudre l’assemblée sans le moindre sens politique et qui, à une autre occasion, m’a dit personnellement :

« les élections cantonales et régionales perdues, cela n’aura aucune importance, aucune influence, sur le gouvernement et le chef de l’état.Ils resteront en place! » 

« Et l’état de l’électorat ?» lui répliquai-je

« Aucune importance pour le sommet de l’état, cela ne changera rien »

Qui est Villepin ? Quels sont ses masques 

Enjôleur, mannequin, conseiller diabolique, diplomate, hobereau, premier ministre, poète, écrivain, serreur de mains ??? A quel Villepin puis je donc me fier?

Je réfléchis. Les cris sortis de mon poste m’interpellent à nouveau.

La manière de parler, de s’exprimer est décidément essentielle.

L’art de la parole (pour éviter le mot aujourd’hui suranné d’éloquence) est un plus difficile qu’il n’y paraît ! Ah si Villepin tentait de rythmer son discours, fort et appuyé à certains moments, puis adouci, peut-être même tendre à d’autres, puis rationnel et narratif…

Sait-il qu’il y a des gens qui sont ses « récepteurs », qui écoutent et qui ont aussi des sensibilités ?

Sait-il tout simplement qu’il existe des gens ?

Dominique : Prends un temps de pose, analyse ton débit et ton style oratoire, analyse toi tout court face au peuple et reviens nous plus modeste et plus humble.

Le destin d’un homme politique de premier plan ne peut s’accomplir pleinement s’il n’a pas affronté le suffrage du peuple et, pour ma part j’ajouterais, s’il n’a pas connu l’échec et la défaite car ce qui nous intéresse c’est de voir comment il se relève et triomphe d’autant mieux qu’il a intégré les leçons de l’échec !